Malheureusement, l’année 2022 a connu son lot de conflits armés, de catastrophes naturelles aux lourdes conséquences, d’urgences alimentaires ou sanitaires etc. Toutes ces crises ont touché des zones déjà fragiles et n’ont fait qu’accentuer les inégalités déjà présentes et difficiles à éradiquer. Pour ses prévisions 2022, OCHA, le bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU, avait estimé à 274 millions de personnes, répartis dans 63 pays, ayant besoin d’une aide humanitaire[1].
À travers cet article, Echo Solidaire souhaite faire un retour sur quelques crises majeures qui se sont déroulées cette année. Il est toutefois important de rappeler que les crises mises en avant ci-dessous ne doivent en rien occulter les crises que traversent d’autres parties du monde. Chaque catastrophe et chaque crise sont importantes et doivent être mises en avant. La mise en lumière de ces situations ne doit pas se faire selon des critères géographiques, encore moins politiques, mais bel est bien selon leur degré d’impact et de besoin des populations touchées.
Situation catastrophique en Haïti
Haïti ne cesse d’être en proie à l’instabilité depuis de nombreuses années maintenant. Déjà fortement fragilisé par le tremblement de terre en 2010 et soumis à une forte activité cyclonique, le pays connaît une montée considérable de la violence ainsi qu’une instabilité politique et économique qui ne fait qu’engouffrer la population dans une spirale de laquelle il devient presque impossible de sortir. L’insécurité provoque un déplacement massif des populations fuyant la violence des gangs. Gangs qui bloquent certaines zones empêchant l’approvisionnement en matières premières, ou pillant ces dernières, ce qui amène à des pénuries et à une augmentation considérable du prix des produits de première nécessité. Cet enchaînement d’évènements catastrophiques ne fait que rendre le quotidien des Haïtiens plus difficile qu’il ne l’est déjà et le spectre de la famine plane sur l’île. Les dernières données affirment que 4,7 millions de personnes, soit quasiment la moitié de la population, sont confrontées à la famine[2]. L’intervention des ONG pour apporter une aide d’urgence devient vitale mais pas sans risque, puisque des entrepôts d’agences onusiennes mais également d’ONG ont été victimes de pillage[3].
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Mais ce n’est malheureusement pas tout puisqu’Haïti est confronté depuis peu à une épidémie de choléra. Jusqu’en décembre 2022, 283 personnes sont décédées de cette infection[4] et cette dernière ne cesse de se propager au sein de la population et dans toute l’île. Les plus vulnérables restent les premières victimes et l’UNICEF estime que la moitié des cas détectés concernent des enfants déjà fragilisés par la malnutrition[5].
Sécheresse et réfugiés climatiques dans la corne de l’Afrique
Cette année 2022 marque la 5e année consécutive de sécheresse dans la corne de l’Afrique et l’une des pires selon l’Organisation météorologique mondiale[6], institution spécialisée des Nations unies. Ce qui ne fait que renforcer les conditions déjà extrêmes dans la région. L’ONU a estimé à 15 millions de personnes victimes de la sécheresse au Kenya, en Somalie et en Éthiopie[7]. Ce phénomène météorologique amène, en plus d’une situation d’insécurité alimentaire, à un déplacement massif des populations donnant lieu à ce qu’on appelle des déplacés climatiques. On entend par déplacé climatique toute personne contrainte de quitter son lieu de vie suite à une catastrophe climatique et ses conséquences impactant sa vie et sa sécurité. Et pour la corne de l’Afrique, les conséquences sont nombreuses puisque la sécheresse amène au tarissement des points d’eau, s’ensuit par exemple l’incapacité pour les communautés pastorales d’abreuver leurs bêtes entraînant la mort de ces dernières. La pression sur les ressources naturelles, déjà limitées dans la région, s’intensifie également laissant la porte ouverte aux conflits entre les différentes communautés et corps de métier.

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Au milieu de l’année 2022, ce n’est pas moins de 755 000 personnes en Somalie qui ont quitté leur foyer à cause de la sécheresse d’après le HCR et le NRC[8]. Pays qui avait décrété l’état d’urgence face à la pénurie d’eau en 2021[9]. Les pays voisins sont également touchés par cela puisque le HCR a estimé que 4,5 millions de Kenyans étaient confrontés à la sécheresse et à la pénurie d’eau[10]. Ce qui n’était il y a peu qu’un possible scénario est aujourd’hui bien réel. Et ce phénomène est tellement brutal et soudain que les déplacés climatiques ne bénéficient à ce jour d’aucun statut juridique et donc d’aucune reconnaissance et protection internationale. Et si rien n’est fait pour contrer les conséquences du changement climatique, la Banque mondiale estime que d’ici 2050, 216 millions de personnes seront contraintes de migrer au sein même de leur pays pour fuir les phénomènes climatiques extrêmes[11].
Conflit armée en Ukraine
Le mois de février 2022 marque le début d’une offensive militaire en Ukraine menée par la Russie. Et comme pour chaque conflit armé, la population civile est la première victime. L’escalade de la violence a amené de nombreux Ukrainiens et résidents Ukrainiens à fuir dans les pays frontaliers quand d’autres ont été contraints de rester dans le pays. L’ONU estime à 12 millions le nombre de personnes au sein du pays ayant besoin d’une assistance humanitaire et à 4 millions le nombre de déplacés ayant également besoin d’une assistance humanitaire dans les pays voisins[12].
Les conséquences de ce conflit vont au-delà de la région puisqu’il impacte l’économie mondiale mais aussi et surtout, l’approvisionnement de l’aide humanitaire pour d’autres régions touchées par l’insécurité alimentaire : augmentation du prix et pénurie des denrées de première nécessité comme le blé etc.
Insécurité alimentaire à Madagascar
Déjà en proie à un long et fort épisode de sécheresse dans le sud du pays, Madagascar a été touchée par plusieurs cyclones à répétition durant l’année 2022. Ces phénomènes climatiques extrêmes n’ont fait qu’accroître les difficultés sur place impactant notamment les récoltes dans un pays où une bonne partie de la population vit de l’agriculture, menaçant par conséquent la sécurité alimentaire. Cela n’est pas tout puisque ces évènements météorologiques ont également montré que les prochaines crises à gérer seront bel et bien en conséquence du changement climatique. L’ONU estime d’ailleurs que Madagascar serait le premier pays confronté à une insécurité alimentaire liée au changement climatique[13].
Une partie des Malgaches vit sous la menace du kéré, expression pour désigner la famine dans le sud de l’île. À ce jour, 1,64 million de Malgaches sont en situation d’insécurité alimentaire et 334 000 personnes sont quant à elles face à une situation d’insécurité alimentaire d’urgence dans le sud d’après le Programme Alimentaire Mondial[14]. Ce n’est pas tout puisque la population n’échappe pas à l’augmentation des prix rendant leur quotidien davantage difficile. Le prix des produits de première nécessité, tels que le riz, a considérablement augmenté. Par exemple, 1kg de riz est à 13 000 ariary, soit environ 3€, quand cette denrée ne vient pas à manquer[15].
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Crise au Yémen qui persiste
Commencé il y a presque 10 ans maintenant, le conflit armé au Yémen ne montre malheureusement aucun signe d’apaisement. Et là aussi, comme pour chaque conflit armé, les premières victimes sont les populations civiles. Bien que la situation dans ce pays ne fait plus l’actualité des journaux télévisés, elle persiste et est même qualifiée comme l’une des plus grandes crises humanitaires. Les violations des droits humains y sont monnaies courantes et le besoin d’assistance ne cesse de croître. En 2022, on estime à plus de 23,4 millions de personnes en besoin d’assistance et de protection. Soit une augmentation de 13% par rapport à l’année 2021[16]. Les enfants sont gravement touchés par cette situation car 2,2 millions d’entre eux souffrent de malnutrition, dont près de 500 000 de malnutrition aiguë sévère[17]. L’économie du pays est effondrée rendant l’accès aux services de base difficile et le besoin en aide humanitaire plus qu’urgent. Toutefois, l’insécurité rend très difficile le travail du personnel humanitaire confronté à des restrictions de déplacements, des détournements de véhicules et des risques d’enlèvement[18]. Début 2022, 5 employés des Nations unies ont été enlevés dans le gouvernorat d’Abyan alors qu’ils revenaient d’une mission de terrain et qu’ils se dirigeaient vers la ville d’Aden[19].
Illustrations : Pixabay
Sources :
[1] https://gho.unocha.org/fr
[2] https://fr.wfp.org/communiques-de-presse/des-niveaux-de-faim-catastrophiques-enregistres-pour-la-premiere-fois-en
[3] https://news.un.org/fr/story/2022/09/1127721
[4] https://news.un.org/fr/story/2022/12/1130467
[5] https://news.un.org/fr/story/2022/11/1130097
[6] https://news.un.org/fr/story/2022/08/1126022
[7] https://news.un.org/fr/story/2022/04/1118012
[8] https://news.un.org/fr/story/2022/08/1125262
[9] https://news.un.org/fr/story/2022/04/1118012
[10] https://www.unhcr.org/fr/news/briefing/2022/12/638f41b2a/secheresse-conflit-forcent-80-000-personnes-fuir-somalie-rejoindre-camps.html
[11] https://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2021/09/13/climate-change-could-force-216-million-people-to-migrate-within-their-own-countries-by-2050#:~:text=%C3%80%20l’horizon%202050%2C%20l,et%20Asie%20centrale%2C%205%20millions
[12] https://news.un.org/fr/focus/ukraine
[13] https://news.un.org/fr/story/2021/12/1111402
[14] https://www.wfp.org/countries/madagascar
[15] https://www.madagascar-tribune.com/Le-kere-plane-a-nouveau-dans-le-sud-de-Madagascar.html
[16] https://reliefweb.int/report/yemen/yemen-humanitarian-response-plan-2022-april-2022
[17] https://reliefweb.int/report/yemen/yemen-humanitarian-response-plan-2022-april-2022
[18] https://news.un.org/fr/story/2022/07/1123532
[19] https://www.20minutes.fr/monde/3234931-20220214-yemen-cinq-employes-nations-unies-enleves-sud