Le système de partenariat entre ONG du Nord et ONG du Sud

De par leur ancrage international, les ONG créent des liens avec d’autres ONG dans le monde. Ces alliances sont basées sur des valeurs, des objectifs et des activités communes : éducation, accès aux soins, environnement etc. Les sociétés du Nord et du Sud sont ainsi liées, liens permettant de mieux comprendre les problèmes et d’innover en termes de solutions. Mais dans la pratique, qu’en est-il réellement de cette collaboration ?


L’émergence des acteurs du Sud

La fin de la colonisation dans les années 60 et les besoins des nations du Sud nouvellement créées vont marquer un tournant dans le concept de la solidarité internationale, le développement et la justice sociale sont désormais à l’ordre du jour. Les ONG du Nord ne se focalisent plus uniquement sur les victimes de guerre mais tendent à participer au développement des sociétés du Sud qui, elles aussi, s’interrogent et s’organisent autour de leur capacité de réponses. Émergent alors des acteurs des sociétés du Sud regroupés sous la bannière d’associations, d’ONG ou encore de collectif de citoyens.

Collaboration et culture dominante

La multiplication des interventions de terrain des ONG du Nord a progressivement amené à la pérennisation de leur présence sur les territoires en question. De là, la mise en place d’un système de partenariat entre ces ONG et les acteurs du Sud devient primordiale. On arrive très vite à un espace de rencontre organisé entre l’ONG du Nord et du Sud permettant de répondre aux besoins d’autonomisation et de croissance des populations. On peut ainsi définir la solidarité internationale comme étant l’ensemble des actions prenant en compte la réalité des inégalités entre les pays ou les individus d’un pays, amenant à proposer aux populations en difficulté des projets ayant pour but d’effacer toute injustice. L’optique d’une telle démarche est d’amener au développement des sociétés fondé sur l’échange culturel, technique, professionnel ou encore économique, tout en respectant leurs us et coutumes. Cette théorie ne se veut pas agressive, dans le sens où elle impose, mais collaborative à travers un partage de peuple à peuple, société à société amenant à une auto-organisation.

Jusqu’à présent la relation entre acteurs du Nord et du Sud été la suivante, l’ONG du Nord était l’opérateur direct des actions mises en place, le rapport n’était pas collaboratif mais hiérarchique voir même n’existait pas. L’ONG du Nord avait le contrôle global dans la prise de décision et dans sa mise en pratique. Cela est davantage mis en avant à travers une enquête réalisée auprès de 32 ONG de développement britanniques engagées dans des campagnes de plaidoyer. Près de la moitié estimait qu’il fallait rendre des comptes uniquement aux bailleurs de fonds et non aux partenaires associatifs du Sud [1].  Dans les faits, cela se traduisait par le financement des partenaires du Sud pour pouvoir définir la feuille de route voir la création d’une ONG sur place ou l’envoi de personnels expatriés pour conserver le contrôle des programmes. Il était aussi question de l’éthique de ces collaborations. Philippe Montoisy explique dans son ouvrage De l’ethnocentrisme dans l’action humanitaire occidentale [2] que les valeurs occidentales ont tendance à être considérées comme universelles par les acteurs de la solidarité internationale. L’organisation de l’aide est pensée avec des normes, méthodes et procédures propres aux sociétés du Nord qui ne correspondent pas forcément à celles du Sud. On est face à une situation d’ethnocentrisme où la façon de penser un problème et sa solution sont imposés,  il en va donc du succès ou de l’échec de la collaboration. Toutefois, le développement de la société civile des pays du Sud et par la même occasion d’acteurs de la société, l’évolution des pratiques ou encore la remise en cause de l’interventionnisme des ONG du Nord ont amené à une restructuration de l’aide : un projet ne peut se faire sans un partenariat d’égal à égal. Si l’ONG du Nord ne collabore pas avec les organes de réponses déjà existants sur place, elle ne peut s’insérer dans la réponse aux besoins de développement et ne peut entamer des démarches efficaces auprès des populations. On constate d’ailleurs cette évolution dans les critères de financement des bailleurs de fonds qui exigent de plus en plus que les projets à destination des pays du Sud soient menés conjointement avec un partenaire de terrain.

ONG du Nord et du Sud : des partenariats qui fonctionnent

Dans le cadre d’une collaboration ONG Nord/ONG du Sud, chacun des interlocuteurs apportent une plus-value à l’échange : l’ONG du Nord apporte une visibilité sur le plan international ainsi que des moyens financiers et techniques quant à l’ONG du Sud, sa force repose dans sa connaissance de l’environnement d’intervention et dans sa proximité avec la population bénéficiaire de l’action. De nombreuses ONG ont assimilées ces faits afin d’arriver à une collaboration productive. C’est le cas de l’association ALIMA qui travaille avec un réseau de partenaires locaux afin d’apporter une aide médicale en Afrique. Son travail repose sur des programmes gérés localement, des décisions prises conjointement par l’équipe d’ALIMA et les partenaires sur place ainsi que l’intégration des partenaires locaux dans les instances de décision de la structure. Oxfam qui intervient dans plus de 90 pays valorise aussi le partenariat avec des acteurs locaux dans le cadre de ses interventions sur le terrain. Ces partenariats à court ou long terme sont encadrés par des principes qu’Oxfam s’efforce d’appliquer à chaque collaboration : une vision et des valeurs partagées, une complémentarité au niveau des finalités, l’autonomie et l’indépendance, la transparence mutuelle, la définition des rôles et des responsabilités communes et enfin un engagement en faveur de l’apprentissage commun [3]. Bien qu’idéal, c’est ce rapport de force qui doit être établi entre les acteurs de la solidarité du Nord et du Sud car il est le seul à garantir l’efficacité des actions conjointement mises en place.

[1]Enquête relayé par Marc-Antoine Pérousse de Montclos dans son ouvrage , Pour un développement « humanitaire » ? Les ONG à l’épreuve de la critique, IRD Editions, 2015, 183 pages et réalisé par Alan Hudson dans son article NGO’s transnational advocacy networks : from « letitimacy » to « political responsability » ? Global networks : a journal of transnational affairs, 2001
[2] Philippe Montoisy, De l’ethnocentrisme dans l’action humanitaire occidentale, Action Solidarité Tiers-Monde, novembre 2006
[3] « Travailler ensemble : les principes d’Oxfam internationale », publié par Oxfam GB pour Oxfam International en février 2012, Oxfam GB, Oxfam House, John Smith Drive, Cowley, Oxford, OX4 2JY, Royaume-Uni.