Journée mondiale des toilettes : sur le terrain avec Hydraulique Sans Frontières

À l’occasion de la journée mondiale des toilettes qui se déroule chaque année le 19 novembre, Echo Solidaire a tenu à mettre en lumière le travail d’Hydraulique Sans Frontières qui intervient dans le domaine de l’accès à  l’assainissement. Entretien avec Clotilde Menici, chargée de l’ingénierie sociale des projets, de la sensibilisation des populations aux bons gestes en terme d’hygiène ainsi que des diagnostics et des évaluations.

Pouvez-vous nous présenter les missions d’Hydraulique Sans Frontières ?

Hydraulique Sans Frontières est une association de développement créée en 1990, qui œuvre pour un accès juste et équitable à l’eau et à l’assainissement.

Nous intervenons dans des zones rurales pauvres, reculées et difficiles d’accès, à la demande de partenaires du Sud. HSF met à la disposition de ces derniers des bénévoles compétents, capables d’apporter un appui technique afin que les structures locales puissent poursuivre leur travail en faveur des besoins fondamentaux de ces populations. Nous travaillons majoritairement au Togo, à Madagascar, au Sénégal, au Burkina Faso et en Bolivie.

L’objectif est de favoriser l’autonomie des populations. Ainsi, chaque ouvrage réalisé sera géré par un Comité de Gestion, mixte en genre et élu par la population locale. Il aura pour rôle de veiller à la bonne utilisation et au respect du matériel, afin qu’il soit propre, fonctionnel et durable. De plus, des « maintenanciers », autrement dit des techniciens, sont formés à la réparation du matériel en cas de panne. 

En mettant au cœur de son action les populations locales, HSF souhaite que les ouvrages réalisés correspondent aux besoins et aux codes socio-culturels de ces dernières. C’est pourquoi avant toute réalisation, des enquêtes sont menées auprès de toute personne amenée à utiliser les futures installations. Des sensibilisations à l’hygiène, à l’assainissement et à la préservation de l’eau sont également parties intégrantes de chaque projet.

Quel est l’état de l’accès à l’assainissement en 2020 ?

Aujourd’hui encore, l’accès à l’assainissement est loin d’être acquis dans de nombreux pays en voie de développement. Selon le dernier baromètre de l’eau  publié par l’ONG Solidarités International, près de 9% de la population mondiale pratique encore la défécation à l’air libre, et 4,2 milliards de personnes ne disposent pas de services d’assainissement gérés en toute sécurité. Dans les zones où nous intervenons, les latrines sont souvent inexistantes et les populations défèquent à l’air libre, ce qui implique la prolifération de nombreuses maladies, qui peuvent mener jusqu’au décès, surtout des plus fragiles comme les enfants et les bébés. Un accès juste et équitable pour tous à l’assainissement est le réel enjeu des prochaines années, car il permettra le recul des maladies hydriques et diarrhéiques, mais impliquera directement ou indirectement d’autres conséquences positives : réduction de l’absentéisme scolaire (surtout des filles), réduction des risques d’agression des femmes, augmentation des activités génératrices de revenus et surtout le respect de la dignité de chacun.e.

Quelles alternatives utilisent les populations face à l’absence d’infrastructures sanitaires et quelles en sont les conséquences ?

Dans les zones où nous intervenons, les populations ont le plus souvent recours à la défécation à l’air libre. Elles se rendent donc dans des endroits éloignés du village afin d’être à l’abri des regards. Cela représente un réel risque, notamment pour les femmes et les jeunes filles, qui sont plus vulnérables et peuvent être victimes d’agression. Les morsures d’animaux sauvages, tels que les serpents, sont aussi courantes.

Certains foyers construisent des latrines familiales artisanales très sommaires. Il s’agit en effet bien souvent d’un simple trou dans le sol, autour duquel sont installés des « murs » de paille afin de protéger les utilisateurs des regards. Ces latrines ne sont bien sûr ni durables, ni hygiéniques.

Dans les deux cas, l’absence d’une évacuation des matières fécales de façons sûre et hygiénique entraine une prolifération des maladies hydriques et diarrhéiques via des vecteurs tels que les insectes (les mouches en particulier). En effet, ces dernières se posent en premier lieu sur les excréments, et vont ensuite sur la nourriture non couverte, ou se pose directement sur les muqueuses de la peau (coin des yeux et des lèvres, notamment). Les infections sont donc rapides, et peuvent être fatales en l’absence de soins appropriés, ce qui est souvent le cas dans les zones rurales reculées, qui n’ont que peu de moyens médicaux.

Que préconise Hydraulique Sans Frontières pour sensibiliser davantage sur cette problématique ?  

Dans chacun des projets menés par Hydraulique Sans Frontières, il y a une partie technique (réalisation des ouvrages), mais aussi une partie consacrée à la sensibilisation des populations. Cette phase est particulièrement importante, car elle permet aux populations de comprendre pourquoi elles sont malades et ce qu’elles peuvent faire pour éviter cela. Elles prennent donc conscience des causes de leurs maux, et qu’elles peuvent agir, quotidiennement, pour faire barrières à ces maladies. Elles comprennent donc l’utilité des latrines hygiéniques et de leur utilisation, pour le bien commun des villageois.

Au Nord, nous continuons à sensibiliser les décideurs, les bailleurs et la société civile sur la nécessité et l’importance de l’accès à l’assainissement pour tous. Nous intervenons notamment dans les écoles, pour expliquer aux plus jeunes les problèmes que rencontrent des enfants vivant ailleurs pour aller aux toilettes. Nous rappelons également à nos donateurs, adhérents et bailleurs (publics et privés) la nécessité de financer des infrastructures d’assainissement et les sensibilisations qui vont avec. Même si le chemin est encore long, beaucoup ont compris l’urgence de sauver des vies par ce biais-là. 

En plus des contraintes de terrain déjà existantes, comment Hydraulique Sans Frontières adapte ses actions face au COVID-19 ? 

La pandémie du Covid-19 a stoppé beaucoup de nos activités durant de nombreuses semaines. Les équipes techniques n’ont pas pu se rendre dans les villages pour la réalisation des ouvrages (puits et latrines) et les séances de sensibilisation ont bien sûr été annulées compte tenu du nombre de personnes qu’elles regroupent. Pour éviter la propagation du virus, tous les déplacements de nos bénévoles ont également été suspendus. Aujourd’hui, les activités ont pu reprendre, dans le strict respect des mesures barrières, notamment le port du masque et la distanciation. Grâce à nos bailleurs, nous avons également pu fournir du matériel (gel hydroalcoolique, masques, gants, solution désinfectante…) et des lave-mains dans deux villages du Togo et une ville à Madagascar. Cela permet à nos partenaires locaux de poursuivre leur mission malgré le contexte difficile, qui a plus que jamais mis en lumière la nécessité de disposer d’un accès à l’eau et à l’assainissement sûr et adéquat.


Illustration : Hydraulique Sans Frontières

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